dimanche 26 avril 2015

Les ivoires magiques


Ivoire magique des Musées royaux d’Art et d’Histoire de Bruxelles (Inv. E.2673)

Objets connus sous les noms de « ivoires magiques », « bâtons de jet », bâtons magiques », ou atropaïa (objets possédants une protection magique).  Ils se présentent comme des croissants assez plats (longueur souvent supérieure à 50 cm) et étaient fabriqués à partir de canines inférieures d’hippopotames. Il en existe aussi des exemplaires en bois et en faïence.

Le côté supérieur est légèrement bombé tandis que le côté inférieur est plat. Au recto, sont représenté des divinités et génies protecteurs ainsi que diverses inscriptions.

Ils sont sollicités dans un rôle de protection et sont assimilés aux événements mythologiques dans lesquels ils ont été impliqués ou ont joué un rôle bénéfique. Un rôle semblable est attendu pour les personnes à qui ils sont donc destinés.Les bénéficiaires de ces protections sont généralement des enfants ou des femmes.

Les objets de ce types les plus anciennement retrouvés datent du Moyen empire mais on en a retrouvé plusieurs dans des tombes datant du Nouvel Empire. On soupçonne leur origine mésopotamienne ou syro-palestinienne mais sans aucune preuve actuellement.

 Les principales représentations

Celles-ci sont gravées dans la partie supérieure de l’objet et représentent généralement des êtres fantastiques ou des personnages à l’allure grotesque. Ils sont tous les émissaires des puissances redoutables qui nichent dans le désert et dans les eaux. Leur pouvoir, à l’origine hostile pour les hommes, est contrôlé et retourné contre le milieu dont il est issu.

Parmi celles-ci on peut noter le plus fréquemment la présence de :
Griffon : animal légendaire réputé pour vivre dans le désert. C’est un animal composite : corps de lion à la queue recourbée muni d’une tête de faucon. De ses flanc surgissent deux ailes déployées en éventail qui s’ornent en leur milieu d’une tête humaine. Des serpents accompagnent souvent les griffons. 
Génie appelé Aha (le Combattant)
Représenté sous forme d’un humain difforme à tête de vieillard (forme ancestrale de Bès). Représenté de face, il porte une crinière qui laisse apparaître ses oreilles de félidés. Il présente un corps décharné et une ventre ballonné. Sa queue large descend jusqu’au sol. Ses genoux sont pliés et forment un angle. Aha tient un serpent dans chaque main. Ses parties génitales sont souvent bien mises en évidence. Une contrepartie féminine l’accompagne parfois. 
La divinité léonine
Elle porte une crinière assez courte et bloque dans ses pattes antérieures un serpent qu’elle tient entre ses dents. 
La divinité hippopotame
Debout sur ses pattes arrières, elle présente un ventre gonflé et des mamelles pendantes (à l’instar de la déesse Taouret). Dans ses pattes antérieures, elle tient différents signes de protection (la croix de vie ankh par exemple). Sa tête et son dos se couvrent d’une crête en forme de crocodile. Sa gueule est celle d’un hippopotame encadrée par une crinière de lion. L’animal montre les dents et tire la langue. 
La panthère à cou de serpent
Attestée déjà sur les palettes de l’époque prédynastique, l’animal se présente comme un félidé au très long cou portant une tête de panthère.
Parmi les nombreuses autres représentations, qui changent en fonction du panthéon local, citons le lion double à face humaine, le disque solaire muni de deux jambes, la tête de chacal, le cynocéphale portant un œil, le serpent à tête humaine, tortues, etc.

Les inscriptions

Les divinités ou les génies protecteurs sont parfois accompagnés de courtes inscriptions confirmant l’aspect protecteur de l’objet : « protection de nuit et protection de jour », « protection autour d’elle chaque jour » ou encore « je suis venu pour protéger Untel ». Parfois, certaines sont un peu plus précises : « coupe la tête de l’ennemi mâle et de l’ennemi femelle qui entre dans la chambre des enfants nés de Untel ».

Utilisations des ivoires magiques

Son utilisation devait certainement s’accompagner de récitations de formules magiques, mais ce rituel oral nous fait évidemment défaut. Le rituel de protection est encore une fois de plus celui du transfert : on assimile la situation de la personne à protéger avec celui de la divinité dans une situation donnée.

Il est difficile de savoir si ces ivoires magiques étaient utilisées dans un contexte curatif (agression déjà perpétuée) ou dans un contexte préventif (protection vis-à-vis d’agressions éventuelles). Les hypothèses penchent plutôt vers le contexte préventif en raison du type de formules inscrites sur les ivoires.

Les ivoires magiques s’inscrivent dans une longue tradition plusieurs fois millénaires. Certaines représentations sont issues de l’époque protodynastiques et ont perdurés jusqu’à l’époque gréco-romaine.

Les enfants devant être particulièrement protégés dans la société égyptienne, il était important de mettre en œuvre toutes les mesures matérielles ou magiques capables d’éviter aux enfants des accidents qui auraient pu mettre leur vie en péril. La venue d’un enfant dans une famille était toujours considérée comme une bénédiction des dieux !


Bénou, le phoenix égyptien

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« Celui qui se lève » telle est la traduction de bénou. En Égypte, celui qui se lève chaque matin pour éclairer le monde n’est autre que Râ. Bénou est donc Râ qui se lève ou plus précisément, le ba de Râ ayant pris la forme d’un héron majestueux.

Bénou est attesté dès l’Ancien Empire, mais à l’époque il ne revêt pas encore le noble aspect du héron mais bien celui d’une bergeronnette, petit oiseau de la famille des passereaux. Plus tardivement, Bénou prendra l’aspect d’un héron cendré (Ardea cinerea) un grand et bel échassier qui affectionne les lieux humides tels les fourrés de papyrus du delta ou ceux poussant sur les berges du fleuve sacré. Lorsqu’il jaillissait de l’eau, son mouvement pouvait rappeler celui de l’astre solaire s’élevant au-dessus de l’horizon. L’association avec Râ fut donc faite en toute évidence. C’est ainsi que l’on retrouve parfois Bénou remplaçant Râ sur la barque solaire, il est alors coiffé du disque solaire ou de la couronne atef qui le lie également avec Osiris.

Plusieurs variantes de la naissance de Râ existent dans la cosmogonie héliopolitaine. Parmi celles-ci, on parle d’un œuf duquel aurait jailli le soleil. Cet œuf primordial, aurait été pondu par le « grand caqueteur » dont le cri déchira la première fois le silence : un oiseau du nom de Bénou. Dans ce mythe, il fut donc le tout premier être à se poser sur la butte primitive, la première terre émergée du Noun, cette butte qui pris le nom de benben.
Cet animal, présent sur terre depuis des temps immémoriaux inspira semble-t-il aux Égyptiens, l’idée d’une exceptionnelle longévité. Selon le mythe, il ressuscite tous les cinq cents ans après une flamboyante mort sur le bûcher de plantes aromatiques qu’allume le dernier rayon du soleil couchant.

Ovide, auteur latin du 1er siècle avant notre ère, écrivit à propos du bénou : « Il ne vit ni de grains ni d’herbe mais des larmes de l’encens et du suc de l’amome. A peine a-t-il accompli les cinq siècles assignés à son existence qu’aussitôt posé sur les rameaux ou la cime oscillante d’un palmier, il construit son nid avec ses serres et son bec, purs de toutes souillures. Là, il amasse de la cannelle, des épis, du nectar odorant, des morceaux de cinnamome, de la myrrhe aux reflets dorés ; par-dessus il se couche et termine ainsi sa vie au milieu des parfums. Alors du corps paternel renaît, dit-on, un petit phénix destiné à revivre le même nombre d’années. Quand l’âge lui a donné assez de forces pour soutenir un fardeau, il décharge du poids de son nid les rameaux du grand arbre, et emporte pieusement son berceau qui est aussi le tombeau de son père. Parvenu à travers les airs légers de la ville d’Héliopolis, il le dépose devant la porte sacrée de son temple. »

Dans le contexte funéraire, le bénou incarne le défunt en devenir car il était considéré comme « le ba issu du cœur d’Osiris ». Ainsi, le chapitre 13 du Livre des Morts nous révèle que le défunt souhaite pouvoir se transformer en « oiseau Bénou » et le chapitre 83 du même corpus, représente le défunt sous les traits d’un héron, au moment de la pesée du cœur devant le tribunal de l’au-delà présidé par Osiris. En fonction du jugement, ce héron (le défunt) pourra prendre ou non son envol et renaître pour une nouvelle vie.

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Bénou représenté dans la tombe de Néfertari (XIXe dynastie)

Outre des amulettes en forme de « bénou » que l’on retrouve principalement sur les momies de la Basse Époque, l’oiseau sacré est représenté dans plusieurs tombes comme dans celle de Senedjem à Deir el-Médineh où le bénou couronné d’une imposante couronne atef, est figuré aux côtés de Rê-Horakhty dans la barque solaire.

Les légendes entourant le Bénou (puis le phénix) ont largement survécus à l’époque pharaonique, ainsi croyait-on à l ‘époque romaine que l’apparition du héron sacré annonçait quelque événement d’importance. L’auteur latin tacide témoigne de ce fait car il rapporte que la mort de l’empereur Tibère (pour qui l’Égypte comptait particulièrement) survenue en 34 ap. J.C. aurait été annoncée par un phénix traversant le ciel !

La déesse du Sycomore


Déesse du Sycomore
Scène provenant du tombeau de Senedjem (TT 1) – XIXe dynastie, Deir el-Médineh)

Senedjem et son épouse Iineferti parcouraient les chemins lumineux de l’au-delà depuis un certain temps déjà. Ils avaient déjà affronté de multiples périls dans la Douat, mais leur route s’annonçait encore bien longue pour atteindre les champs d’Ialou où ils pourraient vivre éternellement dans l’abondance.
Soudain, ils virent dans la lumière se dessiner la silhouette d’un arbre, un grand et majestueux sycomore. Nul part, de leur vie passée dans la vallée du Nil, ils ne virent un tel arbre ! Haut d’une quinzaine de mètres, le sycomore avait un tronc blanchâtre surmonté d’une luxuriante frondaison étalée. Il portait d’innombrables figues amassées en grappes devenant rouges à maturité.
Aussi, intrigués autant que fascinés, ils s’approchèrent respectueusement du sycomore. Lorsqu’ils touchèrent l’écorce qui frissonnait comme animé d’une énergie mystérieuse, une déesse leur apparut, émergeant soudainement du tronc de l’arbre. Elle était d’une incroyable beauté, son corps élancé et gracieux se confondait avec ce majestueux végétal. Une douce lumière et un parfum suave baignait les alentours.
Elle se pencha vers les deux voyageurs de l’au-delà et leur tendit une aiguière contenant l’eau pure et un plateau garni de pains et de gâteaux. Après s’être rafraîchis et rassasiés, Senedjem et Iineferti remercièrent la déesse du sycomore en récitant quelques prières et formules magiques qui leur permirent de poursuivre leur périple sur les beaux chemins de l’Occident.
 Texte de Méryrê

Cette vignette illustre le chapitre 62 du Livre des Morts qui nous enseigne que nous pouvons " boire de l’eau dans la nécropole ". Cette eau pure et vivifiante est celle de la crue annuelle du Nil par laquelle " tous les pères et toutes les mères " reviennent féconder le pays afin qu’il puisse revivre éternellement. Cette eau miraculeuse est contenue dans un vase rituel (hes) dont la déesse du Sycomore se sert pour verser le précieux liquide sur les mains tendues du défunt.

La bienveillance de cette déesse, que l’on assimile généralement à Nout ou parfois à Hathor, fait ainsi référence à son aspect maternel vis-à-vis du voyageur de l’au-delà.

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Sycomore photographié à Assouan (photo : Méryrê, 2001)

Botaniquement, le sycomore est un arbre de la famille des Moraceae dont le nom est Ficus sycomorus. Il est originaire d'Afrique centrale mais est cultivé en Egypte depuis le IIIe millénaire avant notre ère.


Atteindre son étoile


" Je grimperai sur l’espace lumineux,

Je traverserai l’esprit de la terre,

Je cheminerai dans la lumière,

Et j’atteindrai l’étoile. "

Texte des Sarcophages, chapitre 545




" J’ai jubilé car on m’a fait toucher le ciel.

Ma tête a percé le firmament,

J’ai éraflé le ventre des étoiles

et atteint l’allégresse,

de sorte que je brillais comme une étoile,

et dansais comme une constellation. "

Inscription provenant de la tombe de Sarenpout (Assouan)


Le lotus dans l'Egypte ancienne


Il existe en Égypte, deux espèces de "lotus" dont la fleur peut être bleue ou blanche. Le lotus bleu est une plante dont la fleur s‘épanouit le jour tandis que le soir, elle disparaît sous les eaux dont elle ne ressortira que le matin avec les premiers rayons du jour. Le lotus blanc, quant à lui, suit un cycle inverse : il s’ouvre à la tombée de la nuit et se réfugie dans les ondes durant la journée.


L’association du cycle journalier du lotus bleu avec celui de l’astre solaire était tellement évidente aux yeux des anciens Égyptiens que le clergé d’Hermopolis a utilisé cette analogie pour décrire la naissance du monde. Ainsi, selon cette croyance, un lotus en bouton, tous pétales repliés, flottait au premier jour du monde à la surface de l’océan primordial (le noun). La corole s’ouvrit alors et libéra le soleil naissant sous l’aspect d’un jeune enfant. Ainsi aurait commencé le monde et la course inexorable de l’astre dans le ciel. La croyance veut aussi que le soir venu, après avoir achevé sa course, le soleil s’en retourne dans le lotus pour replonger dans l’onde. Le cycle recommence ainsi chaque matin et chaque soir depuis la nuit des temps.

Associé à la régénération de l’astre, le lotus peut porter le nom de néfer, terme évoquant toute idée de perfection, d’accomplissement mais également de rajeunissement et de beauté.

Cette fleur, dont le nom scientifique est Nymphea cerulea était appelé dans les textes mythologiques « plante d’Horbeit » ou « plante senenou ». Elle était réputée détenir des pouvoirs magiques capables de faire fuir les forces du mal et de guérir les morsures de serpents et par conséquent, celle-ci fut utilisée dans plusieurs préparations médicales ou à usage atropaïque.


Bas-relief représentant l’épouse de Ramosé (vizir d’Aménophis III)
XVIIIe dynastie – Thèbes ouest

Le lotus, c’est aussi l’exquise fragrance qui se dégage de sa fleur somptueuse. Celui-ci est fréquemment représenté sur les fresques dans les scènes dite de « banquet » où les convives sont parés de fleurs de lotus dont ils respirent la corolle ou en ornent leur coiffure. L’odeur capiteuse est sans doute en relation, par jeu de mots, avec les facultés sexuelles recouvrées qui symbolisent le retour à la vie du défunt.

Peinture dans la tombe de Sennefer
XVIIIe dynastie – Thèbes ouest


Cette fleur était divinisée sous les traits du dieu Nefetoum « le lotus à la narine de Rê ». Il est l’incarnation du lotus primordial et symbolise le souffle vital qui jaillit de la fleur qui anime toute existence, y compris celle du soleil car il est l’un des réceptacles de la renaissance perpétuelle de l’astre. Dans les monuments funéraires, les défunts cherchent à capter un peu de cette vitalité en respirant l’odorante corolle de nénuphars bleus.

Plante sacrée depuis les temps les plus anciens, le lotus dépeint l’être totalement accompli qui a quitté les profondeurs des eaux obscures pour la pleine clarté de la lumière du jour.


Le complexe funéraire de Djéser (IIIe dynastie)


Pyramide à degrés du roi Djéser
Vue générale de la pyramide à degrés de Djéser 

Le monument le plus célèbre de ce site est le complexe funéraire du roi Djéser (IIIe dynastie). Édifié vers 2.650 avant J.C., il est le plus ancien édifice égyptien construit intégralement en pierres taillées. Toutes les constructions antérieures étaient réalisées principalement en briques crues et en matériaux non durables : la pierre n’était employée que pour certains éléments architecturaux de tombes.

Conçu par Imhotep, vizir et architecte du roi, le complexe funéraire reproduit de manière symbolique le palais du souverain à Memphis. La vaste enceinte rectangulaire, construite de murs à redans de dix mètres de haut, délimite une esplanade de quinze hectares (545 mètres du nord au sud et 277 mètres d’est en ouest). Bien que quatorze portes soient aménagées dans le mur extérieur, une seule donne accès au monument (celle située à l’angle sud-est).

L’entrée débouche sur une allée bordée de quarante colonnes fasciculées ; elles sont les premières de ce type connues en Égypte. Elle servira d’ailleurs de modèle aux salles hypostyles construites ultérieurement. Dans la cour se trouvent un autel de cérémonie ainsi que deux constructions dont la fonction n’est pas encore connue à ce jour.

Chapelles de la cour Hed-Sed et la pyramide

Au nord de la grande cour se dresse la célèbre pyramide à degrés, première pyramide égyptienne considérée comme le plus grand monument de son époque. À l’origine, un mastaba classique fut construit au-dessus d’un puits de 28 mètres de profondeur creusé dans la roche. Au fond de ce dernier, se trouvait la chambre funéraire hermétiquement fermée par un bloc granitique de plus de 3 tonnes. Autour du caveau, plusieurs galeries avaient été creusées pour y contenir le matériel funéraire du souverain. C’est là qu’ont été découverts de splendides faïences bleues (probablement les plus anciennes du monde) et environ quatre mille vases de pierre, dont certains portent les noms de rois ayant précédé Djéser.

Le mastaba d’origine, mesurant 125 mètres sur 109 mètres à la base, fut modifié par la superposition de mastabas de tailles décroissantes, pour former une pyramide à six degrés d’une hauteur de 62 mètres.

Près de l’entrée nord de la pyramide, s’élève le serdab, pièce entièrement fermée, percée de deux petites ouvertures sur le côté principal. Elle contenait une statue grandeur nature du souverain. Réalisée en calcaire peint, elle figure le roi Djéser assis, enveloppé du manteau traditionnel de la fête sed. Elle est la première statue royale de l’Égypte pharaonique. Celle d’origine se trouve actuellement au musée du Caire, mais une réplique a été placée dans le serdab.

Plusieurs autres édifices furent construits à l’intérieur du complexe pour assurer des fonctions symboliques et le culte funéraire du pharaon.



Statuette d'hippopotame


Statuette d'Hipopotamme

  • Numéro d’inventaire : JE 21365 (Musée du Caire)
  • Origine : Nécropole de Dra Aboul Naga
  • Époque : Deuxième période intermédiaire
  • Faïence bleue, hauteur : 11,5 cm, longueur : 21,5 cm
  • Crédit photo : Méryrê


Vivant dans les zones marécageuses et sur les rives du Nil, l’hippopotame avait une double valeur dans la symbolique égyptienne. Sa corpulence, sa férocité, de même que son appétit vorace, en faisait un hôte indésirable que l’on tentait de tenir à l’écart des cultures.

Dès l’Ancien Empire, sur les murs des mastabas, des scènes de chasse à l’hippopotame sont représentées. Celle-ci, met toujours en scène plusieurs personnages qui, debout sur une barque, harponnent le puissant animal. Dans ce contexte, il s’agit d’une intervention magique pour neutraliser l’agressivité des forces du chaos, qui risquent de mettre en péril le devenir du défunt dans l’au-delà. Il fallait donc retenir l’animal hostile au fond des marais, milieu inhospitalier, mais aussi siège des métamorphoses post-mortem.

Au Moyen Empire et jusqu’à la XVIIe dynastie, les tombes contiennent fréquemment de petites figurines d’hippopotame en faïence bleue. Elles sont décorées de plantes aquatiques qui paraissent tisser un réseau végétal sur leurs corps. Il s’agit également d’un artifice magique ayant pour but de neutraliser la puissance incontrôlée du redoutable pachyderme.

La femelle de l’hippopotame est, quant à elle, associée aux images féminines de la fécondité et représente l’incarnation de la déesse Taouret, protectrice de la maternité.

Nous avons donc un exemple typique de la façon dont la symbolique égyptienne utilise une vision bilatérale d’une même force vive de la nature : le mâle de l’hippopotame est le vecteur d’émanations maléfiques et de puissances négatives qu’il faut annihiler, tandis que la femelle incarne une forme favorable, garante de la fertilité.

La rameuse du lac


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Un jour, Snéfrou (IVe dynastie, 2613-2589), en quête de quelques distraction, car il connaissait aussi l’ennui, parcourait lentement toutes les pièces de son palais. Il se promena aussi dans le jardin fleuri et odorant, dont les mille parfums ne le guérirent pas de son ennui.

Alors, il fit venir le prêtre Djadjaemankh et lui conta sa solitude. Le prêtre, un homme de grand savoir, imagina une heureuse diversion à l’ennui royal ; il dit à Pharaon : « Que Ta Majesté se rende auprès de l’étang du palais. Là, tu ordonneras qu’un équipage tout à fait particulier monte à bord d’une barque ; il sera composé de toutes les jeunes et jolies filles de ton harem. Ta Majesté, certes, se divertira tandis que tu les regarderas, en train de ramer de ci, de là, d’un bord à l’autre de l’étang ; tu pourras aussi contempler alentour tous les bonheurs de la nature : les nids qui recèlent une vie ailée encore à venir, parmi les chants et les cris des oiseaux ; tu verras les champs qui s’étendent au loin, où paraissent déjà les jeunes pousses de blé en herbe, d’un vert soyeux et tendre. Le spectacle de toute cette vie, témoin du temps éternellement renouvelé, fera disparaître ta mélancolie du moment. »

Le roi Snéfrou fut aussitôt séduit par cette proposition, commanda : « Que l’on amène vingt rames, faites de bois d’ébène et recouvertes d’or, leurs poignées seront en bois de santal, recouverts également de l’or le plus fin. Que l’on amène aussi vingt femmes, vierges encore, dont les corps seront les plus beaux, la poitrine droite et orgueilleuse et dont la chevelure sera habilement tressée ; qu’elles enlèvent leurs vêtements et s’habillent de résilles légères. »

On agit conformément à tous les ordres qu’avait prononcé Sa Majesté.

Alors le souverain les regarda tandis qu’elles faisaient avancer la grande barque sur l’étang, et son cœur se réjouit de la beauté de la nature et de celle des femmes au corps souple et séduisant.

Soudain, un incident se produisit qui arrêta le lent mouvement des rameuses ; l’une d’entre elles, en voulant tresser une natte à sa chevelure qui s’était dénouée, fit tomber dans l’eau une boucle d’oreille de turquoise à laquelle elle tenait beaucoup. Elle n’accepta pas la proposition du souverain qui voulait lui en donner une semblable ; c’est seulement son cher objet qu’elle souhaitait retrouver.

Pharaon, qui s’amusait de cette histoire, appela à nouveau le prêtre Djadjaemankh et lui conta l’affaire. Celui-ci, également diverti par cet incident léger, et soucieux de plaire au souverain, prononça quelques formules magiques de sa connaissance ; alors l’on pu voir la moitié de l’eau de l’étang se séparer de l’autre et venir recouvrir celle-ci. Djadjaemankh traversa aisément à pied sec une partie de l’étang et retrouva, gisant sur une roche, le bijou convoité.

Il le rendit à sa propriétaire, heureuse et reconnaissante. Puis, en énonçant une autre formule magique, il replaça l’eau de l’étang dans sa position originelle. Et la fête se poursuivit.

Snéfrou, passa alors un jour heureux en compagnie de toute la maison royale et il récompensa le prêtre magicien de toutes sortes de belles et bonnes choses.

Plus tard, Moïse, sur son chemin vers la terre de Canaan, se souviendra, dans le récit de ses aventures, de ce « tour » des magiciens de la vieille Égypte qu’il avait bien connu dans sa jeunesse.

Le pharaon, souffle vital de l'Egypte

Le mot « pharaon » que nous utilisons pour désigner les souverains de l’ancienne Égypte est une transcription grecque dérivant du terme égyptien « Per-âa » (Grande Maison) qui désigne le palais royal en tant qu’institution. Cette appellation, qui n’apparaît qu’au Nouvel Empire, n’était pas un titre officiel, les Égyptiens préféraient utiliser les dénominations de « hékha » (souverain), de « hem » (majesté) ou encore plus couramment « nesou-bity » (« celui du roseau et de l’abeille » qui désigne le roi de Haute et de Basse Égypte).

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Khâfrê (Chephren – IVe dynastie)

Pharaon, un être surnaturel ?

La monarchie pharaonique est d’essence divine car le pharaon est l’incarnation du dieu Horus, qui selon la mythologie, est le dernier titulaire divin de la royauté. Il légua sa fonction aux premiers souverains humains. Le pharaon assure ainsi la continuité d’une lignée (en théorie) ininterrompue depuis « l’âge d’or » (le temps des dieux).

Les noms de la titulature royale (noms choisis par le roi lors de son couronnement) font ainsi clairement référence à cette filiation divine : le « nom d’Horus », utilisé depuis les premiers souverains sera complété à partir de la IVe dynastie par le nom de « Fils de Rê ». Le nom « d’Horus d’Or » ainsi que le nom des « Deux Maîtresses » attestent également de la protection divine du roi. Il sera toujours considéré comme l’incarnation du pouvoir solaire sur terre.

Le discours politique fait largement allusion à cette idéologie pour véhiculer la position particulière du pharaon entre le monde des hommes et celui des dieux. Il est défini comme étant omniscient (il est « Sia »), il voit tout et contrôle les éléments naturels (le soleil, la crue du Nil et le développement de la nature par exemple). Cette fonction surnaturelle le distingue donc du commun des mortels.

Le pharaon est identifié à différentes divinités du panthéon égyptien pour faire référence à des fonctions particulières : « il est Khnoum qui crée l’humanité », « il est Sekhmet qui rétablit l’ordre »… créant un discours qui transfert le pharaon dans le monde divin. Dans l’esprit des Égyptiens, le monde des dieux est intimement lié à celui des humains et le souverain est désigné comme un intermédiaire privilégié détenant un pouvoir sacralisé.

Pharaon, l’unificateur du pays

Depuis Hor-Aha, le premier monarque connu à régner sur une Égypte unifiée vers 3.100 avant notre ère, le devoir du pharaon est de maintenir par tous les moyens, l’unification des « Deux Terres » à savoir la Haute et la Basse Égypte. De multiples symboles existent pour nous rappeler l’importance de cette union : le « pschent » qui représente la double couronne (celle de Haute et de Basse Égypte) ou encore le « Séma-Taouy » qui évoque le lien des deux plantes héraldiques de l’Égypte. Ces symboles rappellent la nécessité impérative de demeurer sous une autorité indivise, celle de pharaon.

Pharaon, le garant de l’équilibre du monde

Le second plus important devoir du pharaon est de sauvegarder l’ordre cosmique tel qu’il a été instauré par les dieux. Pour ce faire, il doit maintenir l’ordre politique, tel qu’il est régi par le roi, et l’ordre social tel qu’il est vécu par chaque individu. L’univers est en perpétuel équilibre contre les forces du chaos qui le menace, ce qui implique une constante intervention du souverain, pour combattre les diverses manifestations du désordre et les actes, qui pourraient entraver le fonctionnement et l’organisation du monde créé.

L’équilibre de l’univers, la loi divine, la vérité et la justice sont des concepts que les Égyptiens ont personnifiés dans la déesse Maât. Fils des dieux, pharaon porte Maât en lui et s’efforce de la faire régner sur terre. La loi divine devient donc la base de toute structure sociale et de la législation humaine.

Pharaon, chef de l’État et du pouvoir judiciaire

L’État égyptien reposait sur un pouvoir centralisé dont le pharaon était le maître de l’exécutif et du législatif. Le pays tout entier lui appartient et il est directement responsable de tout ce qui se passe dans le royaume tout en assurant la survie et le bien-être de la population.

Bien que d’essence divine, le souverain ne peut assurer seul l’administration du pays. Il s’appuie sur les grands fonctionnaires afin d’assurer l’exécution de l’administration du pays. Ceux-ci sont choisis, au début de la monarchie pharaonique, parmi les personnes de la famille royale ou de son entourage. Plus tard, le pharaon procédera à la délégation de pouvoirs à certains mandataires qui ne sont pas de sang royal.

Dans la pratique, le pharaon gouverne, avec l’aide des grands fonctionnaires depuis le palais royal, formant le premier niveau de pouvoir : l’administration centrale. Au niveau local, le pays est subdivisé en quarante-deux provinces (les nomes) dirigées par un gouverneur (le nomarque) qui dépend directement du palais.

A partir de la IVe dynastie, le roi sera secondé par une sorte de Premier ministre : le vizir, qui en tant que chef de l’exécutif, supervise la bureaucratie, la justice et la police, le trésor (fisc) ainsi que les grands travaux publics.

En ce qui concerne la fonction juridique, le souverain doit faire respecter les lois, les us et coutumes et protéger la population contre tous les abus. Bien qu’il soit le chef du pouvoir judiciaire, le pharaon doit lui-même respecter la règle établie et assurer la protection du plus faible. Il est aidé dans cette tâche par le vizir qui est le principal magistrat du pays.

Pharaon, chef de guerre

Le pharaon devait mener une lutte constante contre les adversaires de l’Égypte dont l’agression était considérée comme une atteinte à la création d’origine céleste et à l’équilibre du monde.

Afin de combattre les puissances du chaos et les ennemis de l’Égypte (les « Neuf Arcs »), le pharaon mobilisait une armée (qu’il conduisait généralement lui-même) ou qu’il combattait d’une façon symbolique par la magie de l’image et du verbe. Les représentations du souverain massacrant les ennemis sont un symbole que l’on retrouve dès la première dynastie (voir la « Palette de Narmer »). Celles-ci n’évoquent pas un fait historique mais symbolisent la défaite permanente des forces malfaisantes ; on les retrouve par exemple à l’entrée des temples pour en protéger l’accès.

A partir du Nouvel Empire, suite à l’invasion des Hyksôs, le pharaon devra étendre sa domination au-delà des frontières de l’Égypte afin d’assurer la protection du pays contre d’éventuels agresseurs. C’est ainsi que le Pharaon passera d’un rôle de protection à un rôle de conquérant.

Le discours politique fera d’ailleurs un large usage de vocables empruntés aux puissances animales ou divines pour désigner la fonction guerrière du Pharaon.

Fonction économique et biologique

L’économie égyptienne était essentiellement basée sur l’agriculture, composante fondamentale de cette civilisation. Le pharaon étant le seul propriétaire de la terre et des produits provenant de son exploitation, il assumait (symboliquement) la fonction d’agriculteur, et ce, dès le début de la monarchie pharaonique (la tête de massue du roi Scorpion le représente tenant une houe pour aménager un canal d’irrigation).

Plus concrètement, le roi assure la gestion de la terre et de l’eau par le biais de l’aménagement des canaux d’irrigation et de drainage ainsi que des bassins de retenue, et également par le contrôle de la richesse produite. Les fonctionnaires de l’État prélèvent une partie de la récolte produite par les paysans (rente foncière) qui sera acheminée vers les greniers du royaume. Les denrées stockées seront en partie redistribuées à la population, assurément d’une façon inégale (prioritairement et majoritairement aux grands serviteurs de l’État) et en partie conservées pour les périodes de disette. La population dispose ainsi d’une certaine « assurance alimentaire » organisée au niveau de l’État (fonction biologique du pharaon).

Grâce à la richesse produite, le souverain peut développer une activité commerciale avec les pays étrangers afin d’obtenir des biens rares ou dont ne dispose pas l’Égypte (bois de construction, produits exotiques, …).

Roi bâtisseur

Le pharaon développe également la création et l’exploitation de mines et de carrières afin d’extraire les matières premières si précieuses à la réalisation de grands projets architecturaux (temples, complexes funéraires, forteresses, …). D’importantes expéditions vers la Nubie, le Sinaï et le désert oriental seront réalisées tout au long de l’histoire afin d’exploiter des richesses naturelles que les Égyptiens ne possèdent pas dans le royaume (certains minerais et pierres précieuses).

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(Ramsès II – XIXe dynastie)

EN GUISE DE CONCLUSION

Au cours de la longue histoire de la civilisation égyptienne, les périodes d’affaiblissement du pouvoir royal ont eu pour conséquence une décentralisation du pouvoir politique au profit de dignitaires locaux, entraînant invasions, guerres civiles et famines. Il était donc primordial, pour les Égyptiens, d’assurer la continuité de la fonction pharaonique afin de garantir la stabilité du pays.

Bien que bouleversant profondément les structures établies, les différents envahisseurs (Hyksôs, Perses, Grecs, Romains) se soumirent aux traditions égyptiennes, et se firent proclamer pharaon au lieu d’imposer leur modèle de souveraineté.

Ainsi, en montant sur le trône, le souverain égyptien devient « un homme dans le rôle d’un dieu » et incarne, dans sa toute puissance, l’entièreté de l’Égypte.

Méryrê

Bienvenue dans "Egypte vivante"

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Bonjour, je me nomme Méryrê ce qui signifie "l’aimé de Rê" ou plus exactement "l’aimé de la lumière divine". Je suis grand prêtre dans le temple de Karnak, le plus vaste de tous les édifices religieux jamais construit. Il a été édifié à la gloire d’Amon-Rê, dieu suprême de tous les Égyptiens et protecteur de notre souverain.

J’ai reçu pour mission de faire rayonner notre civilisation à travers le temps pour que l’humanité ne puisse jamais oublier qu’elle fut la plus fascinante de toutes les réalisations humaines et qu’elle restera vivante dans le coeur de tous ceux et celles qui sont aujourd’hui encore, les enfants du Nil.  Ainsi, notre quête incessante de l’éternité aura trouvé l’aura pour que brille à jamais la gloire de notre peuple.

Méryrê