dimanche 26 avril 2015

Le pharaon, souffle vital de l'Egypte

Le mot « pharaon » que nous utilisons pour désigner les souverains de l’ancienne Égypte est une transcription grecque dérivant du terme égyptien « Per-âa » (Grande Maison) qui désigne le palais royal en tant qu’institution. Cette appellation, qui n’apparaît qu’au Nouvel Empire, n’était pas un titre officiel, les Égyptiens préféraient utiliser les dénominations de « hékha » (souverain), de « hem » (majesté) ou encore plus couramment « nesou-bity » (« celui du roseau et de l’abeille » qui désigne le roi de Haute et de Basse Égypte).

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Khâfrê (Chephren – IVe dynastie)

Pharaon, un être surnaturel ?

La monarchie pharaonique est d’essence divine car le pharaon est l’incarnation du dieu Horus, qui selon la mythologie, est le dernier titulaire divin de la royauté. Il légua sa fonction aux premiers souverains humains. Le pharaon assure ainsi la continuité d’une lignée (en théorie) ininterrompue depuis « l’âge d’or » (le temps des dieux).

Les noms de la titulature royale (noms choisis par le roi lors de son couronnement) font ainsi clairement référence à cette filiation divine : le « nom d’Horus », utilisé depuis les premiers souverains sera complété à partir de la IVe dynastie par le nom de « Fils de Rê ». Le nom « d’Horus d’Or » ainsi que le nom des « Deux Maîtresses » attestent également de la protection divine du roi. Il sera toujours considéré comme l’incarnation du pouvoir solaire sur terre.

Le discours politique fait largement allusion à cette idéologie pour véhiculer la position particulière du pharaon entre le monde des hommes et celui des dieux. Il est défini comme étant omniscient (il est « Sia »), il voit tout et contrôle les éléments naturels (le soleil, la crue du Nil et le développement de la nature par exemple). Cette fonction surnaturelle le distingue donc du commun des mortels.

Le pharaon est identifié à différentes divinités du panthéon égyptien pour faire référence à des fonctions particulières : « il est Khnoum qui crée l’humanité », « il est Sekhmet qui rétablit l’ordre »… créant un discours qui transfert le pharaon dans le monde divin. Dans l’esprit des Égyptiens, le monde des dieux est intimement lié à celui des humains et le souverain est désigné comme un intermédiaire privilégié détenant un pouvoir sacralisé.

Pharaon, l’unificateur du pays

Depuis Hor-Aha, le premier monarque connu à régner sur une Égypte unifiée vers 3.100 avant notre ère, le devoir du pharaon est de maintenir par tous les moyens, l’unification des « Deux Terres » à savoir la Haute et la Basse Égypte. De multiples symboles existent pour nous rappeler l’importance de cette union : le « pschent » qui représente la double couronne (celle de Haute et de Basse Égypte) ou encore le « Séma-Taouy » qui évoque le lien des deux plantes héraldiques de l’Égypte. Ces symboles rappellent la nécessité impérative de demeurer sous une autorité indivise, celle de pharaon.

Pharaon, le garant de l’équilibre du monde

Le second plus important devoir du pharaon est de sauvegarder l’ordre cosmique tel qu’il a été instauré par les dieux. Pour ce faire, il doit maintenir l’ordre politique, tel qu’il est régi par le roi, et l’ordre social tel qu’il est vécu par chaque individu. L’univers est en perpétuel équilibre contre les forces du chaos qui le menace, ce qui implique une constante intervention du souverain, pour combattre les diverses manifestations du désordre et les actes, qui pourraient entraver le fonctionnement et l’organisation du monde créé.

L’équilibre de l’univers, la loi divine, la vérité et la justice sont des concepts que les Égyptiens ont personnifiés dans la déesse Maât. Fils des dieux, pharaon porte Maât en lui et s’efforce de la faire régner sur terre. La loi divine devient donc la base de toute structure sociale et de la législation humaine.

Pharaon, chef de l’État et du pouvoir judiciaire

L’État égyptien reposait sur un pouvoir centralisé dont le pharaon était le maître de l’exécutif et du législatif. Le pays tout entier lui appartient et il est directement responsable de tout ce qui se passe dans le royaume tout en assurant la survie et le bien-être de la population.

Bien que d’essence divine, le souverain ne peut assurer seul l’administration du pays. Il s’appuie sur les grands fonctionnaires afin d’assurer l’exécution de l’administration du pays. Ceux-ci sont choisis, au début de la monarchie pharaonique, parmi les personnes de la famille royale ou de son entourage. Plus tard, le pharaon procédera à la délégation de pouvoirs à certains mandataires qui ne sont pas de sang royal.

Dans la pratique, le pharaon gouverne, avec l’aide des grands fonctionnaires depuis le palais royal, formant le premier niveau de pouvoir : l’administration centrale. Au niveau local, le pays est subdivisé en quarante-deux provinces (les nomes) dirigées par un gouverneur (le nomarque) qui dépend directement du palais.

A partir de la IVe dynastie, le roi sera secondé par une sorte de Premier ministre : le vizir, qui en tant que chef de l’exécutif, supervise la bureaucratie, la justice et la police, le trésor (fisc) ainsi que les grands travaux publics.

En ce qui concerne la fonction juridique, le souverain doit faire respecter les lois, les us et coutumes et protéger la population contre tous les abus. Bien qu’il soit le chef du pouvoir judiciaire, le pharaon doit lui-même respecter la règle établie et assurer la protection du plus faible. Il est aidé dans cette tâche par le vizir qui est le principal magistrat du pays.

Pharaon, chef de guerre

Le pharaon devait mener une lutte constante contre les adversaires de l’Égypte dont l’agression était considérée comme une atteinte à la création d’origine céleste et à l’équilibre du monde.

Afin de combattre les puissances du chaos et les ennemis de l’Égypte (les « Neuf Arcs »), le pharaon mobilisait une armée (qu’il conduisait généralement lui-même) ou qu’il combattait d’une façon symbolique par la magie de l’image et du verbe. Les représentations du souverain massacrant les ennemis sont un symbole que l’on retrouve dès la première dynastie (voir la « Palette de Narmer »). Celles-ci n’évoquent pas un fait historique mais symbolisent la défaite permanente des forces malfaisantes ; on les retrouve par exemple à l’entrée des temples pour en protéger l’accès.

A partir du Nouvel Empire, suite à l’invasion des Hyksôs, le pharaon devra étendre sa domination au-delà des frontières de l’Égypte afin d’assurer la protection du pays contre d’éventuels agresseurs. C’est ainsi que le Pharaon passera d’un rôle de protection à un rôle de conquérant.

Le discours politique fera d’ailleurs un large usage de vocables empruntés aux puissances animales ou divines pour désigner la fonction guerrière du Pharaon.

Fonction économique et biologique

L’économie égyptienne était essentiellement basée sur l’agriculture, composante fondamentale de cette civilisation. Le pharaon étant le seul propriétaire de la terre et des produits provenant de son exploitation, il assumait (symboliquement) la fonction d’agriculteur, et ce, dès le début de la monarchie pharaonique (la tête de massue du roi Scorpion le représente tenant une houe pour aménager un canal d’irrigation).

Plus concrètement, le roi assure la gestion de la terre et de l’eau par le biais de l’aménagement des canaux d’irrigation et de drainage ainsi que des bassins de retenue, et également par le contrôle de la richesse produite. Les fonctionnaires de l’État prélèvent une partie de la récolte produite par les paysans (rente foncière) qui sera acheminée vers les greniers du royaume. Les denrées stockées seront en partie redistribuées à la population, assurément d’une façon inégale (prioritairement et majoritairement aux grands serviteurs de l’État) et en partie conservées pour les périodes de disette. La population dispose ainsi d’une certaine « assurance alimentaire » organisée au niveau de l’État (fonction biologique du pharaon).

Grâce à la richesse produite, le souverain peut développer une activité commerciale avec les pays étrangers afin d’obtenir des biens rares ou dont ne dispose pas l’Égypte (bois de construction, produits exotiques, …).

Roi bâtisseur

Le pharaon développe également la création et l’exploitation de mines et de carrières afin d’extraire les matières premières si précieuses à la réalisation de grands projets architecturaux (temples, complexes funéraires, forteresses, …). D’importantes expéditions vers la Nubie, le Sinaï et le désert oriental seront réalisées tout au long de l’histoire afin d’exploiter des richesses naturelles que les Égyptiens ne possèdent pas dans le royaume (certains minerais et pierres précieuses).

Ramses2
(Ramsès II – XIXe dynastie)

EN GUISE DE CONCLUSION

Au cours de la longue histoire de la civilisation égyptienne, les périodes d’affaiblissement du pouvoir royal ont eu pour conséquence une décentralisation du pouvoir politique au profit de dignitaires locaux, entraînant invasions, guerres civiles et famines. Il était donc primordial, pour les Égyptiens, d’assurer la continuité de la fonction pharaonique afin de garantir la stabilité du pays.

Bien que bouleversant profondément les structures établies, les différents envahisseurs (Hyksôs, Perses, Grecs, Romains) se soumirent aux traditions égyptiennes, et se firent proclamer pharaon au lieu d’imposer leur modèle de souveraineté.

Ainsi, en montant sur le trône, le souverain égyptien devient « un homme dans le rôle d’un dieu » et incarne, dans sa toute puissance, l’entièreté de l’Égypte.

Méryrê

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